dimanche 21 mars 2010

L'invention du printemps

Les dormeurs l'ignorent mais la nuit vit aussi.
Les trombes d'eau dégoulinant sur les vitres côté jardin à deux heures m'ont fait penser aux journées de déluge à Tokyo, quand la pluie tombait sans penser à s'arrêter.
Au réveil, les gouttes n'étaient plus qu'éparses et le gris du ciel dilué.
Mais il restait cette envie, venue des heures ensommeillées, de tourner le dos au monde et ouvrir les pages récemment achetées ou retrouvées.
Remplir la théière de oolong et m'installer pour lire.


"Autrefois j'étais poète, quelqu'un qui écrit des poèmes. Des poèmes. Tu sais ce que c'est ?
J'ai acquiescé : 
-On nous en fait réciter en cours de japonais. 
-Oui, c'est ça. 
-Mais maintenant vous ne l'êtes plus.
-Maintenant, mettant à profit mon expérience de poète, je fais de nouvelles affaires. Mon magasin est une "titrerie". 
-Qu'est-ce que vous vendez dans votre magasin ?
-Comme son nom l'indique, j'y vends des titres. Un fait inoubliable qui s'est déroulé dans un passé lointain. Un souvenir douloureux. Un précieux secret que l'on ne dévoile à personne. Une expérience étrange qu'on ne peut pas expliquer raisonnablement. Il y a toutes sortes de choses, et mon travail, c'est de mettre un titre sur les souvenirs que m'apportent les clients. (...)
Un souvenir qui n'a pas de titre s'oublie facilement. Au contraire, un titre approprié permet aux gens de le conserver indéfiniment. Parce que tu sais, on peut lui assurer un endroit où le garder en son coeur. Même si on ne se le rappellera peut-être plus jamais de sa vie, il y a là un tiroir, et c'est rassurant de pouvoir y coller une étiquette."
Yoko Ogawa. La mer.

(Lire mais écrire aussi, écrire : 
t'en souviens-tu -oui, oui, tu t'en souviens-
il y a trois ans
si près si loin
ah ce cher printemps !)

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