lundi 27 septembre 2010

D'autres gens (que vous)

Vous attendez que le feu passe au vert, pour traverser. C'est un peu long à cet endroit et d'autres personnes vous entourent.
De l'autre côté de la rue aussi, des gens patientent. Vous les regardez.
Les yeux de vos voisins sont dirigés dans la même direction.
Pourtant, si on vous interrogeait, aucun d'entre vous ne décrirait la scène de la même façon.

Votre humeur du jour, votre habituelle distraction ou votre sens de l'observation, vos préoccupations, votre manque de sommeil, votre sensibilité excessive ou votre légendaire indifférence...
Tout vous distingue du groupe dont vous faites partie, debout sur le trottoir.

Vous traversez la rue comme vous traversez le monde, avec votre vision unique, singulière. Et sans deviner ce que voient les autres gens.
Excepté quand ils sont écrivains.
"Ses dents et ses cheveux avaient la couleur du tabac, et son visage était rose argile, grêlé et sillonné de marques mystérieuses -préhistoriques, eût-on dit- comme si on l'eût déterré au milieu des fossiles."

"C'était une femme de petite taille, dont la silhouette évoquait une urne funéraire. Ses cheveux couleur de mûres s'entassaient autour de sa tête comme des petits pains à saucisses, mais certains rouleaux s'étaient défaits sous l'action de la chaleur et de la longue marche depuis l'épicerie, et se débandaient dans toutes les directions."
Flannery O'Connor. Les braves gens ne courent pas les rues.

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