mercredi 31 mars 2010

Précis de topographie 4


La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.

Que veulent-ils dire ceux qui disent -qu'est-ce que ça signifie vraiment- qu'ils ne décident jamais rien, qu'ils renoncent à faire des choix.
Parfois, je me dis que la vie des autres va me servir d'exemple.
Je me le dis quand je manque d'inspiration pour une journée.
D'inspiration, d'imagination, d'élan.
Ça m'arrive, de temps en temps.
Ça m'arrive comme à d'autres.

Mais ça, cesser de décider, je ne sais pas. J'aimerais parfois mais je ne sais pas.
Comment rentrer chez soi sans faire de choix ?
Prendre une rue plutôt qu'une autre -et il y en a tant- quelle que soit la raison qui nous y pousse -et il y en a tant-
Passer à droite plutôt que tout droit.
Emprunter le passage souterrain plutôt qu'attendre au feu.
Rue Haute ou rue Blaes ?
Ce n'est pas décider, ça ?

J'ai choisi, quant à moi, la rue Bosquet parce que je ne la connaissais pas.
J'ai tourné la tête et ils ont été là, soudain là, comme plantés pour moi.
Deux arbres respiraient tranquillement, dans le bleu de l'après-midi.
Et les fleurs -ah ces fleurs- qui, toujours, me font battre le coeur.

mardi 30 mars 2010

Tuesday self portrait (une préposition)


-Et vous, vous êtes dans la peinture ?
m'a demandé l'illustratrice à la galerie d'art.

-Et vous, vous êtes dans la littérature ?
m'a demandé la violoniste à la librairie.

-Et vous, vous êtes dans quoi ?
m'a demandé l'homme d'église à la banque.

(Il y a 189 autres self portraits ICI)

lundi 29 mars 2010

Modifier le code

rentrer sortir rester aller venir
écrire
la ville ne me laisse pas tranquille
dehors elle s'impose elle s'imprime
elle dessine des rimes féminines
dedans elle entre par effraction 
avec le chant
     incessant
des sirènes

dimanche 28 mars 2010

Une semaine en désordre

L'invention d'un usage pour le couteau à beurre d'ordinaire inutile : l'achat de Farinet de C.F. Ramuz, dans une édition non massicotée.
Dans un mail, le nom de Melville. Celui de Moby Dick à la librairie. Et plus tard, dans la même journée, dans un roman.

"Jamais trafic entre les gens et les livres n'a été plus intense. Que ces livres soient brefs ou longs, grands ou médiocres, qu'ils donnent lieu à un potlatch de baleines, un déplacement de perspective ou une simple réminiscence, impossible de nier leur impact, ils jouent un rôle, ils font bouger de place."
Florence Delay. Trois désobéissances.

Chose vue : "vase ourson, 26,50€". Le vase a incontestablement la forme d'un oursin.

Chose lue :
"Certains savent très bien que la vie qu'ils vivent est assez morne, est assez ennuyeuse, est assez fastidieuse, est assez triste, oui est assez triste. Certains d'entre eux sont en train de changer, font des courses et les courses et les courses sont quelque chose, il font des courses et les courses et les courses sont quelque chose mais changer n'est pas être quelqu'un qui achète, changer est être quelqu'un qui a quelqu'un pour être quelqu'un qui vend quelque chose et non pour vendre cette chose, changer est alors exister, parfois en certain très certain changement, en certain très complètement changement, en certain certain changement, en certain pas grand changement."

Gertrude Stein. Flirter au bon marché.

Chose entendue : "La mi-saison, ça n'existe pas. C'est une invention de la mode".
La pendule du lavoir n'est pas passée à l'heure d'été : une heure précieuse du dimanche matin gaspillée.
Chose vue en sortant de chez l'opticien :
Pendant quelques heures, croire devoir vivre sans toi.
Savoir que je ne pourrais pas.

vendredi 26 mars 2010

La jalousie


Emménager, ce n'est pas seulement chercher la meilleure boulangerie du quartier, connaître les horaires de la bibliothèque, entendre la voisine partir à 7H20 le matin...
C'est aussi apprivoiser l'appartement. Découvrir, au fil des semaines, dans quelle pièce il fait bon poser la théière de thé fumé, à quelle heure la lumière dessine une ombre élégante par la fenêtre à clair voie de la salle de bain, voir le soleil caresser l'interphone avant d'être masqué par la maison d'en face.
J'ai pensé il faudra protéger le café de l'humidité avant de me souvenir que, non, il n'y aura pas de saison des pluies.
J'ai oublié ce qu'est un printemps sans pique-nique sous les fleurs, un été à moins de 35°.
Je me réjouis à l'avance de découvrir les plaisirs de toutes les saisons, dans mon grand appartement.

jeudi 25 mars 2010

C'est jeudi !


Tout a commencé à TokyoMadame Gâ et moi, nous nous sommes rencontrées.
Pendant deux ans, nous avons éparpillé nos rendez-vous dans la grande ville, nous avons bu des thés de toutes les couleurs, dévidé le passé et inventé l'avenir dans nos innombrables conversations.
Après son départ, pour surmonter l'absence et la distance, nous avons ouvert une boîte aux lettres commune où nous poursuivons nos discussions...
A présent, la distance est moins grande mais nous continuons à nous écrire.
C'est pourquoi, le jeudi, ce n'est pas rue Linière que j'écris mais dans la boîte aux lettres de nos jeudis.
N'hésitez pas à cliquer pour y lire notre correspondance (et c'est souvent l'occasion de voir les bouleversantes illustrations de Madame Gâ )...

mercredi 24 mars 2010

Précis de topographie 3


La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.

Ça a été l'ennuyeuse Lamartine, monotone et imperturbable, qui a fini par être insupportable.
Puis la présomptueuse Gambetta, qui se prétendait la commerçante la plus longue d'Europe mais dont les dangereux trottoirs en chausse-trappes monopolisaient davantage l'attention que les vitrines -exceptée celle de la coiffeuse.
Ces rues reliaient l'appartement au reste de la ville, au reste de la vie.

Ici, elle est longue aussi la rue qui emplit cet office. Mais pas ennuyeuse, ça non, pas ennuyeuse.

A l'entrée de la rue Haute, sur les cimes de l'hôpital St Pierre, sont assises, le dos et le regard droit, des statues animalières qui pourraient tout aussi bien être échappées d'une BD de Bilal que du Mont Olympe.
 
Qui d'autre connaît leur existence ?
Qui d'autre les regarde ?
C'est Tokyo 
qui m'a habituée à dévisager les bâtiments des pieds à la tête.

Mais à elles, je suis sûre que rien n'échappe.

mardi 23 mars 2010

Tuesday self portrait (origine contrôlée)


Pourtant, dès que j'ouvre la bouche, tout le monde sait que je suis Française.

(Il y a 189 autres self portraits ICI)

lundi 22 mars 2010

Les musiciens ne sont pas frileux, en général

L'arbre sera bientôt en feuilles et nous en partagerons les branches. 
Il y aura les odeurs en pagaille, les enfants en rires ou en pleurs, les couverts entrechoqués, le bruit des retrouvailles, les jours qui durent longtemps.
En avance sur la saison, les amis ont sorti une guitare. 
Je ne les vois pas, j'entends leurs voix. 
L'un d'entre eux chante, dilettante.
C'est le printemps.

Et aujourd'hui, tellement d'années après, apprendre enfin que, dans le noman's land, il n'y avait qu'un restoroute.

dimanche 21 mars 2010

L'invention du printemps

Les dormeurs l'ignorent mais la nuit vit aussi.
Les trombes d'eau dégoulinant sur les vitres côté jardin à deux heures m'ont fait penser aux journées de déluge à Tokyo, quand la pluie tombait sans penser à s'arrêter.
Au réveil, les gouttes n'étaient plus qu'éparses et le gris du ciel dilué.
Mais il restait cette envie, venue des heures ensommeillées, de tourner le dos au monde et ouvrir les pages récemment achetées ou retrouvées.
Remplir la théière de oolong et m'installer pour lire.


"Autrefois j'étais poète, quelqu'un qui écrit des poèmes. Des poèmes. Tu sais ce que c'est ?
J'ai acquiescé : 
-On nous en fait réciter en cours de japonais. 
-Oui, c'est ça. 
-Mais maintenant vous ne l'êtes plus.
-Maintenant, mettant à profit mon expérience de poète, je fais de nouvelles affaires. Mon magasin est une "titrerie". 
-Qu'est-ce que vous vendez dans votre magasin ?
-Comme son nom l'indique, j'y vends des titres. Un fait inoubliable qui s'est déroulé dans un passé lointain. Un souvenir douloureux. Un précieux secret que l'on ne dévoile à personne. Une expérience étrange qu'on ne peut pas expliquer raisonnablement. Il y a toutes sortes de choses, et mon travail, c'est de mettre un titre sur les souvenirs que m'apportent les clients. (...)
Un souvenir qui n'a pas de titre s'oublie facilement. Au contraire, un titre approprié permet aux gens de le conserver indéfiniment. Parce que tu sais, on peut lui assurer un endroit où le garder en son coeur. Même si on ne se le rappellera peut-être plus jamais de sa vie, il y a là un tiroir, et c'est rassurant de pouvoir y coller une étiquette."
Yoko Ogawa. La mer.

(Lire mais écrire aussi, écrire : 
t'en souviens-tu -oui, oui, tu t'en souviens-
il y a trois ans
si près si loin
ah ce cher printemps !)

samedi 20 mars 2010

"Si vous avez une demi-heure à tuer, vous la faites vivre en entrant dans une librairie"

Ma vie n'est pas assez routinière pour que je puisse conclure une phrase qui commencerait par "comme tous les après-midi..."
En revanche, j'en veux tous les samedis des journées comme aujourd'hui...

Une soupe aux brocolis en guise de petit déjeuner, une lecture magnifique aux quartiers latins, mon prénom à l'encre noire sur la page de garde, une nouvelle lue dans le désordre animé, le soleil venteux et les oiseaux de la Monnaie avant la rencontre de l'après-midi...
J'attends déjà samedi prochain.

"Il regarda le programme, qui annonçait les concerts plusieurs mois à l'avance. Ainsi on pouvait s'y préparer, les attendre. On attendait la musique et puis elle était là. 
Il espéra follement qu'il lui ressemblait. 
Ma vie, songea-t-il, est comme un concert de casino. 
-Le concert t'a plu ? lui demanda l'infirmière. Que veux-tu devenir plus tard ? ajouta-t-elle encore, étourdiment. 
"Musicien", aurait-il pu répondre, puisque c'était la réponse qu'elle attendait. Mais il était distrait sans doute. Il se trompa. 
-Célibataire, répondit-il." 
Pierre Mertens. Collision et autres textes.

vendredi 19 mars 2010

Le méridien de Greenwich


Il arrive que mon lit me semble vaste comme le monde.
A tel point que ses deux hémisphères ne sont pas sur le même fuseau horaire et, selon celui où je m'endors, je ne m'éveille pas à la même heure.
Jamais, cependant, je n'ouvre les yeux longtemps après le début du jour car je suis du signe du soleil. Ascendant levant.

jeudi 18 mars 2010

C'est jeudi !


Tout a commencé à TokyoMadame Gâ et moi, nous nous sommes rencontrées.
Pendant deux ans, nous avons éparpillé nos rendez-vous dans la grande ville, nous avons bu des thés de toutes les couleurs, dévidé le passé et inventé l'avenir dans nos innombrables conversations.
Après son départ, pour surmonter l'absence et la distance, nous avons ouvert une boîte aux lettres commune où nous poursuivons nos discussions...
A présent, la distance est moins grande mais nous continuons à nous écrire.
C'est pourquoi, le jeudi, ce n'est pas rue Linière que j'écris mais dans la boîte aux lettres de nos jeudis.
N'hésitez pas à cliquer pour y lire notre correspondance (et c'est souvent l'occasion de voir les bouleversantes illustrations de Madame Gâ )...

mercredi 17 mars 2010

Précis de topographie 2


La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.

J'étais décidément incapable de me souvenir de l'itinéraire pour aller au magasin GB de la ville frontalière.
Pour le retrouver, j'étais obligée de reproduire toujours les mêmes erreurs afin de reconnaître la route, au fur et à mesure.
La toute première fois, j'avais demandé de l'aide à un passant.

"Continuez jusqu'au Christ et là, redemandez parce que c'est à droite et ensuite à gauche, enfin, c'est compliqué".


En réalité, tourner à droite et ensuite à gauche avait été nettement plus simple que d'imaginer ce que signifiait "aller jusqu'au Christ".

Le premier mardi, alors que j'étais pressée en plus d'être incertaine de mon itinéraire, la jolie brune m'a conseillé d'aller 

"toujours tout droit après la barrière"

Là non plus, je ne savais pas à quoi m'attendre mais j'ai remercié.

Plus tard, j'ai rebaptisé la barrière St Gilles "la place de l'étoile".

mardi 16 mars 2010

Tuesday self portrait (un cliché)


Sa manière brutale de pousser la porte du café.
Son sac grand format, pesant au bout de son bras.
Ses gants antidérapants, masquant ses mains.
Ses yeux, invisibles, dissimulés par la visière de la casquette abaissée.
Ses vêtements, tous noirs, pratiques, neutres.
Sa démarche souple mais décidée, autoritaire.

Je n'aurais pas été surprise de savoir son sac empli de billets frais et craquants.
Ou d'armes lourdes et désassemblées.
Je n'aurais pas été surprise d'entendre -à peine- un cliquètement rapide et professionnel suivi d'une sommation "tous à terre, les mains sur la tête, etc"

Tout cela m'a traversé l'esprit, pendant les quelques secondes qu'il a fallu à l'homme pour entrer à la maison du peuple.

Pourtant, on ne peut pas dire de moi que je regarde trop la télé.

(Il y a 189 autres self portraits ICI)

lundi 15 mars 2010

La première heure

Il y a aussi -et c'est peut-être celle que je préfère-cette heure par laquelle tout commence.
Cette heure méconnue des flâneurs où tous ceux que je croise -balayeurs, employés, écoliers- ont une raison d'être dehors et vont se pressant vers où se déroulera leur journée.
C'est une belle heure pour tendre un billet au pompiste, rendre les clefs au guichet et, ainsi, échanger la contrainte des feux et des files contre la liberté de mes talons sur les trottoirs pavés. Filer au marché et fendre la coquille de l'oeuf quand la ville n'est pas encore complètement éveillée.

Et plus tard, bien plus tard, entrant par la fenêtre ouverte en même temps que le vent, il y a eu la première mouche de l'année et une odeur de rôties qui m'a rappelé que c'était l'heure du thé.

dimanche 14 mars 2010

Treize heures cinq aux Petits riens

"-Y'a pas, j'ai un gros cul. Il faut dire que j'ai 45 ans.
-Ben moi, j'en ai 55 alors vous voyez..."

"Grossir, c'est vieillir ? ce n'est pas prouvé, parce qu'en somme une cinquantenaire replète est plus agréable à regarder qu'une de ses contemporaines épaisse comme une lame, dont le corps n'est plus qu'un paquet de muscles et de tendons. 
Maigrir, c'est mourir un peu !
Une grosse mémère poussive et pesante n'est pas un bien joli spectacle : mais un échalas ?
Dans mon pays les villageois se servent d'une expression qui m'enchante : 
-C'est mauvais signe quand un cochon se déshabille !"
Comtesse Riguidi. Savoir vivre savoir s'habiller savoir plaire.

samedi 13 mars 2010

Ah si j'avais un franc cinquante

"Quelle que soit la situation de la famille, la femme est chargée d'assurer l'existence et le bien-être de tous avec les ressources dont elle dispose; elle doit se garder de dépenser au fur et à mesure des besoins, même s'ils paraissent justifiés; dans le cas contraire, elle s'expose à des surprises désagréables et à des privations douloureuses. 
Il faut prévoir l'emploi de l'argent pour mener un train de vie régulier. La souffrance naît plutôt d'un bien perdu que d'un bien ignoré, les restrictions alimentaires semblent plus pénibles après la bonne chère, le manque de confort est plus désagréable après l'aisance. 
La femme prévoyante établit son budget pour un temps déterminé. Elle calcule : 

1.- Les sommes dues (impôts, loyer, assurances, chauffage, éclairage).
2.- Les économies régulières (1/10e environ des recettes).
3.- Les dépenses obligatoires (nourriture, entretien, études, transports).

Le reliquat, quand il existe, est affecté à des achats nécessaires mais non indispensables (vêtements, chaussures, mobilier); on en décide, après réflexion, en tenant compte des disponibilités."
E. Compain. La science de la maison.


3,50 € = 

une lessive à Be wash
ou
une soupe aux Nourritures terrestres
ou
100g de Lapsang Souchong au Palais des thés
ou
un bouquet de fleurs au marché
ou
un pain et un pot de yaourt au soja au magasin bio
ou
deux livres aux Petits riens
ou
une Kwak au café maison du peuple

Une ancienne analyse graphologique disait que je savais "discerner l'essentiel de l'accessoire".
Ce n'est pas une qualité qui m'est propre : tous, nous savons faire cette distinction sur notre échelle de valeurs personnelle.
Ne disposant plus que de 3,50 euros pour un temps incertain, peut-être n'auriez-vous pas fait le même choix que le mien. 

vendredi 12 mars 2010

La porte étroite

L'étroitesse
de la porte de la chambre
la fait paraître plus haute encore
qu'elle ne l'est en réalité
et plus petit aussi
semble le meuble
placé à sa gauche immédiate
et dans le tiroir duquel
-le deuxième en partant du haut-
sont rangées
onze pellicules photo
que je ferai développer
quand commenceront
à s'estomper
de mes souvenirs
les images
et les couleurs
que j'y ai impressionnées
durant les derniers mois
de ma vie

à Tokyo

jeudi 11 mars 2010

C'est jeudi !


Tout a commencé à TokyoMadame Gâ et moi, nous nous sommes rencontrées.
Pendant deux ans, nous avons éparpillé nos rendez-vous dans la grande ville, nous avons bu des thés de toutes les couleurs, dévidé le passé et inventé l'avenir dans nos innombrables conversations.
Après son départ, pour surmonter l'absence et la distance, nous avons ouvert une boîte aux lettres commune où nous poursuivons nos discussions...
A présent, la distance est moins grande mais nous continuons à nous écrire.
C'est pourquoi, le jeudi, ce n'est pas rue Linière que j'écris mais dans la boîte aux lettres de nos jeudis.
N'hésitez pas à cliquer pour y lire notre correspondance (et c'est souvent l'occasion de voir les bouleversantes illustrations de Madame Gâ )...

mercredi 10 mars 2010

Précis de topographie


La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.


La rue d'Espagne, si on l'emprunte de la chaussée de Charleroi vers la rue de la Rhétorique, présente un dénivelé semblable à celui si répandu à San Francisco.
Cette rue me fait immanquablement penser à Bullit, un film au scénario si ténu qu'il a sans nul doute été tourné juste pour la poursuite en voitures qui l'a rendu célèbre.
Ce dont, moi, je me souviens le plus, de ce film, c'est le sandwich en triangle et le verre de lait, apportés sur un plateau par une infirmière, que Steve Mc Queen mange debout, appuyé contre un meuble, dans une salle d'hôpital.

mardi 9 mars 2010

Tuesday self portrait (affinités et parentés et neige)


"Malgré tout, ces généralisations se fondent sur quelque chose, même si cela n'appartient qu'à la sphère des perceptions : en chaque personne il y a des échos d'autres personnes et nous ne pouvons pas ne pas les entendre, il se produit ce que j'ai appelé des "affinités" entre des individus très différents ou même opposés, qui nous conduisent parfois à voir ou à capter des ombres de ressemblances physiques en principe saugrenues. "Il n'y a aucun trait commun objectif entre cette belle femme et mon grand-père, pensons-nous, et pourtant elle me fait penser à lui et me le rappelle", et alors nous avons tendance à lui attribuer le caractère et les réactions, l'irascibilité et le côté profiteur de cet ancêtre despotique. Et l'étonnant c'est que nous voyons souvent juste -quand nous avons le temps de le vérifier-, comme si la vie était pleine d'inexplicables parentés non consanguines, ou comme si chaque être qui existe et foule la terre ou traverse le monde laissait dans l'air d'invisibles et intangibles particules de sa personnalité, des fils isolés de ses actes et des résonances ténues de ses paroles, qui se posent ensuite au hasard sur d'autres comme la neige sur les épaules, et se perpétuent ainsi de génération en génération, indéfiniment, comme une malédiction ou une légende, ou comme un souvenir subi par autrui, et ils donnent de cette façon l'infinie et épuisante combinaison éternelle des mêmes éléments."
Javier Marias. Poison et ombre et adieu (Ton visage demain III)

(Il y a 189 autres self portraits ICI)

lundi 8 mars 2010

Ma couleur bleue

Ma chambre au levant m'offre le spectacle du bleu débutant sur lequel les avions dessinent d'éphémères leçons de géométrie.
Et tout le long du jour, j'en suis les nuances, de cette couleur attachante, au-dessus des rues larges, des façades hautes.
Je le retrouve à 10 heures, derrière un champ de nuages blancs, je le reconnais à 18 heures, maquillé des traits roses du couchant.

Moins franc, moins évident qu'à Ikebukuro, il est naïf, modeste et plus rare celui que, intérieurement, je nomme "bleu B" et auquel je me suis déjà abonnée.

dimanche 7 mars 2010

Mona lisait

Remplir la corbeille de fruits suffit à me donner bonne mine.


"En faisant le marché avec mon père, je me suis dit que j'avais de la chance de ne pas avoir des parents charcutiers, de ne pas devoir être charcutier moi-même plus tard. 
Attendre derrière sa femme qu'elle veuille bien se pousser pour entrer dans le camion et pouvoir ENFIN ranger le plateau qu'on a dans les mains, sur lequel repose une tête de porc, les jambons, les saucisses, le lard dans sa bassine, c'est vraiment la poisse. Je pensais : "Comment ce type continue à avoir envie de vivre ? Comment ne donne-t-il pas un coup de pied définitif dans toute cette viande ?" Pourtant j'aimais bien la charcuterie, particulièrement la mortadelle. Aux pistaches. Heureusement, il existait des gens malheureux pour en faire et mon père pouvait m'en acheter souvent. 
Ce jour-là, le charcutier criait sur sa femme : "Pousse-toi, maman. Sers, mais sers donc ! Vas-tu servir au lieu de bavarder comme une poule ? D'autant plus que les poules..." Et là il a regardé mon père avec un ricanement comme ça : "Hé-hé-hé !... C'est la boutique d'à côté." Ça l'a même fait rire, sa blague, et mon père lui a souri, mais par politesse, je l'ai bien vu. Sa femme a ri aussi, en frottant ses mains toutes rouges et grasses à un torchon pendu. Leurs figures étaient pleines de points de grasse blanche, à tous les deux, ils me faisaient vraiment de la peine. Et j'ai dû sourire sûrement aussi parce qu'ils m'ont tendu une tranche de quelque chose que j'ai eu un mal fou à avaler. Je me suis dit "pourquoi être charcutier ?" et je leur ai dit merci. C'était un bout de tranche de mortadelle, justement, très fin, ou de jambon, qui ne leur faisait pas perdre beaucoup d'argent. C'était gentil quand même. 
Après ce marché-là, mon père n'avait pas compris pourquoi je n'avais plus eu envie de charcuterie à table.
Mais comment aurais-je pu lui expliquer l'horreur de la vie la bouche pleine ?"
Grégoire Solotareff. Les filles ne meurent jamais.