mardi 30 novembre 2010

Tuesday self portrait (une autre)

Si elle aimait les tartines au fromage et regarder la télé jusqu'à pas d'heure, si elle se sentait seule au point d'en pleurer -d'en pleurer ou d'en boire- si elle pensait à présent à ses vacances d'été et s'énervait dans les files d'attente, si tous les matins elle disait "à ce soir", s'il lui arrivait de porter un top en maille dorée -en maille dorée ou argentée- si elle avait un abonnement à la piscine, si elle faisait des grasses matinées, si elle prenait des cours de chant -de chant ou de boxe- si elle choisissait la formule "plat+dessert", si elle arrivait en retard à ses rendez-vous, si un enfant l'appelait "maman", si elle sortait d'une salle de cinéma les yeux rouges, si elle changeait de parfum chaque année, si elle pouvait se passer de porter une écharpe en hiver -une écharpe et des gants- si elle savait repasser, si elle repassait, si elle n'emportait pas toujours un livre dans son sac -un livre et un carnet et un appareil photo- si elle s'intéressait à l'actualité et mangeait du chocolat, si elle parlait italien -italien ou russe ou allemand- et si elle n'était pas amoureuse, si elle passait son temps au téléphone, si elle se laissait pousser les cheveux, si elle avait un chien -si elle aimait les chiens- si elle avait de jolies jambes si elle ne
publiait pas un autoportrait tous les mardis

 elle       ne        serait      pas       moi

lundi 29 novembre 2010

comme en rêve

il y a des roses sur ma table et les roses mourront
parfois les jours passent
  comme en rêve
la nuit est au carreau si tôt
on chuchote plus qu'on rit
pourtant
qui veut d'une vie
à voix basse

dimanche 28 novembre 2010

Un amour débutant (un roman-photo épistolaire) 9

Comme il l'avait deviné, la nuit de René-Pierre a été blanche même après qu'il a éteint sa veilleuse et que le compartiment a été plongé dans le noir et les respirations calmes. 
Les mots lus dans la salle d'attente, dans le livre vainement transporté ne lui ont laissé aucun souvenir et ses pensées ferroviaires ont ressassé ceux de Suzanne qui lui sont aussi intimes que si elle les avait gravés sur son coeur. 
A l'aube, le paysage s'est éveillé, estampe en mouvement dans le cadre de la fenêtre, sous les yeux des voyageurs délaissant leurs rêves pour assister à la naissance d'un jour d'été très neuf. 
Dans la confusion de sa fatigue, René-Pierre a laissé des images s'emmêler : venues des temps récents, depuis Bains, depuis Suzanne ou bien issues de son très jeune âge, quand la mer était encore incompréhensible et la plage immense, imprenable. 
"Ma Suzanne chérie, 
cette nuit alors que j'étais mi-éveillé, mi-endormi, le roulement du train m'a fait venir, comme souvent, une phrase à l'esprit, de ces phrases que l'on répète indéfiniment, sur le rythme du passage des roues sur les rails; cette phrase, je m'en suis rendu compte au bout d'un temps assez long, était : "Suzanne je t'aime, Suzanne je t'aime..." Excusez-moi de vous avoir tutoyée; c'est très familier; mais je dormais à moitié et "Suzanne je vous aime" n'aurait pas été avec le rythme du roulement ! Pardon. 
Ecrivez-moi très souvent, Suzanne, tant que vous voudrez; j'adore recevoir vos lettres. 
J'ai pris toutes les vôtres avec moi, non sans difficulté, ma mère ne m'ayant que très peu quitté avant mon départ; vu leur nombre, je ne pouvais évidemment pas les garder indéfiniment sur moi; mon veston commençait à se gonfler d'une façon anormale ! Je les avais mises dans un coffret fermant à clef dans une armoire fermée également, et j'avais les deux clefs sur moi. J'ai donc été obligé de les transporter du coffret dans ma valise, opération compliquée puisque ma mère l'arrangeait sans cesse. Tout s'est bien passé ! 
Good bye, sweetie, je n'ai plus maintenant de phono, seulement ma belle voix pour chanter Paradise et tous ces airs que j'aime surtout depuis Bains (pourquoi ?)! 
Je ne sais encore si je puis vous embrasser, réellement. Dans le doute, je ne m'abstiens pas, et je vous embrasse très, très tendrement, Suzanne."
(Lettre de René-Pierre à Suzanne, le 1er septembre 1932)

samedi 27 novembre 2010

j'embrasse les choses que j'aime sur la bouche*

j'aime tes pliages improbables, 
mon amour 
(photo P.)
*Evelyne Wilwerth

vendredi 26 novembre 2010

Le sciage du hêtre à la scie à ruban

  RELATIONS ENTRE L'EFFORT DE COUPE ET LE PAS

jeudi 25 novembre 2010

La dernière enquête sentimentale (du monde)

Passez-vous facilement à autre chose ? 
                               
Et pousserez-vous encore la porte du salon 
même si vous savez qu'il n'y aura plus d'innovation ?

mercredi 24 novembre 2010

Précis de topographie 38

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.
Rue St Boniface, l'homme en costume impeccable avait posé une main réticente sur le capot de la voiture. Plus que la pousser, il semblait s'y appuyer.
Je l'entendis s'adresser au conducteur : Si on croise des jeunes, on leur demandera de nous aider.
Je le dépassai, tranquille.

mardi 23 novembre 2010

Tuesday self portrait (comme neige)

 "L'année dernière, en ouvrant le bouchon de mon appareil de photographie, et en courant vite me placer devant celui-ci, j'avais pu prendre une photographie avec moi dessus; mais j'étais transparent."
Jacques-Henri Lartigue. Journal. Pont de l'Arche. 1902

lundi 22 novembre 2010

Un jour


"A l'heure qu'il est, tu dois commencer à savoir, ma chérie, que quoi tu fasses, la vie ne s'arrête pas. Elle fait une petite pause et il y a un peu de rêve."
Grace Paley. Les petits riens de la vie

dimanche 21 novembre 2010

Un amour débutant (un roman-photo épistolaire) 8

La nuit respire et bruisse. La nuit remue. 
René-Pierre se retourne et s'éveille. La chaleur a froissé les draps qu'il repousse loin de lui. 
De même, il aimerait repousser les visages qui ont visité son sommeil, les fantômes qui sont venus hanter ses heures, qui continuent à grimacer devant ses yeux pourtant ouverts. 
Arrive-t-il aux rêves d'être hors saison ?
René-Pierre se pose la question. 
Car dans son rêve, le paysage familièrement estival était couvert de neige. 

"Ma Suzanne chérie, 
après avoir lu votre lettre, tout à l'heure, j'étais si heureux que je me suis répété 100 fois que vous étiez gentille, que je vous aimais, etc... Les dactylos ont remarqué que j'ai un air particulièrement joyeux; je fais pourtant attention ! 
C'est vrai que je vous aime, Suzanne et j'aime toutes vos photos; sur chacune je vous trouve une expression qui me rappelle Bains; je veux parfaitement en avoir une collection, la plus complète possible. 
J'aime, chérie, que vous m'écriviez "Vous ne trouvez pas ?"; ça me rappelle tellement Bains et, plus particulièrement, le dimanche, lorsque nous étions debout, sous l'arbre, avant de rentrer à l'hôtel. J'entends encore très bien l'intonation avec laquelle vous le disiez. C'est une des rares choses qui me restent de vous avec précision; grâce aux photos, je vous retrouve, mais il m'arrive parfois, sans elles, de ne plus arriver à vous revoir. 
Avez-vous entendu, dimanche, à la T.S.F., l'heure Decca, à Radio-Paris, de 2h à 3h ? Peut-être écoutons-nous parfois les mêmes postes. 
J'aime assez Ray Ventura dont j'ai plusieurs disques, notamment "Parlez-moi d'amour"; je ne dis plus jamais ce titre sans y mettre une certaine pensée, pour une certaine jeune fille, extrêmement gentille et à qui je voudrais bien le dire de vive voix. 
Je pars demain soir à 22h50. J'arriverai à Royan jeudi matin à 8h, sans doute après une nuit blanche. Je vais sûrement penser à vous sans arrêt, m'imaginer que vous êtes en face de moi -ou à côté- et que nous partons. L'imagination est parfois une chose délicieuse. 
Ecrivez-moi souvent; écrivez-moi sans crainte et "parlez-moi d'amour", chérie, comme maintenant. 
Est-ce que cela me ferait plaisir de vous embrasser "en réalité"? Suzanne, quelle question délicate ! Si je vous dis non, vous ne me croirez pas; je vous dis oui, vous trouverez peut-être cela... osé ! Tant pis, je réponds oui : je voudrais beaucoup vous embrasser, chérie; c'est trop délicieux pour être défendu. 
Et vous ? Répondez."
(Lettre de René-Pierre à Suzanne, le 30 août 1932)

samedi 20 novembre 2010

vendredi 19 novembre 2010

Je voudrais vivre dans un oeuf

OEUFS SUR LE PLAT
Sont meilleurs dans un plat de porcelaine et se font au beurre très frais (à l'huile, voire d'olive, c'est autre chose). Ne laissez pas le jaune d'oeuf prendre complètement et encore moins l'albumine (j'avais oublié de vous dire qu'il doivent cuire sous le gril et recevoir la chaleur par en haut). Certains arrosent d'un filet de vinaigre.


OEUFS SUR LE PLAT JEANNE GRANIER
Tapisser le plat avec des oignons hachés fondus (sans être colorés) et assaisonnés de curry. Faire les oeufs comme plus haut. Garnir avec de petites escalopes de cervelle sautées au beurre. Cordon de sauce curry et champignons hachés.


OEUFS FRITS
Se jettent un à un dans l'huile fumante. Une pincée de sel sur le jaune et l'on rabat le blanc avec une cuillère. Laisser dorer, égoutter. On peut les servir sur des croûtons, avec de l'oseille, de la salade cuite, des feuilles de bettes, etc...
Frits à l'huile d'olive sur un lit de tomates et aubergines très en purée. Ail.


OEUFS AU BACON
Ne jeter les oeufs sur le bacon que lorsque la tranche, coupée mince, montre un gras transparent.
Ajouter au besoin de la sauce anglaise une fois cuits à point.


OEUFS AU JAMBON, AU CERVELAS, A LA SAUCISSE...
Même genre que ci-dessus.


Savarin. LA VRAIE CUISINE FRANçAISE SIMPLE ET ANECDOTIQUE

jeudi 18 novembre 2010

Une enquête sentimentale

L'énoncé de votre prénom suscite-t-il des réactions ?
Dormez-vous dans le noir complet ?
Vous arrive-t-il d'éprouver de la rancune ?
Son contenant a-t-il une influence sur votre perception 
d'une boisson 
ou d'un aliment ?
A quand remonte votre tout premier souvenir ? 
Pensez-vous 
souvent 
rarement 
jamais
Voilà une rencontre marquante 
Vos goûts sont-ils tranchés ?
Présentez-vous vos excuses 
plus souvent 
que les autres vous demandent d'accepter 
les leurs ?
Faites-vous votre lit peu après votre lever 
ou 
peu avant votre coucher ?
Ecrivez-vous encore à la main ?
Parmi vos amis, comptez-vous
des agents immobiliers ?

mercredi 17 novembre 2010

Précis de topographie 37

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.
Ils portent des jeans serrés, des costumes sévères ou des chaussures délacées.
Elles sont en jupes courtes, en doudounes ou marinières, en bonnet.

Epaules droites, carrures altières, allures volontaires.
Jamais de relâchement dans le maintien.
Leurs mâchoires elles-mêmes sont serrées.

Le jour, la nuit aussi, sans repos mais sans fatigue, calfeutrés dans de longues écharpes ou des cols doux, vêtus d'un simple maillot, un paréo à peine noué sur les hanches, les mannequins de l'avenue de la Toison d'or me regardent passer sans curiosité.

mardi 16 novembre 2010

lundi 15 novembre 2010

Le jour d'après

Le liquide capiteux, noir, liquoreux du café place de Londres a réchauffé la terrasse, sous le soleil dont  la disparition n'était, donc, que provisoire. 
"-Viens, dit Lydia en soupirant. L'automne, l'automne, dit-elle au bout d'un moment, l'automne. Oui, c'est l'automne."
Vladimir Nabokov. La méprise

dimanche 14 novembre 2010

Un amour débutant (un roman-photo épistolaire) 7

Il y avait eu à nouveau un rai de lumière traversant sa chambre et René-Pierre avait refait quelques photos. Il avait essayé de sourire mais il craignait que cela lui donne l'air idiot. 
Depuis son retour de Bains, il se regardait plus souvent dans les miroirs, il étudiait son reflet. Non pas, comme auparavant, pour passer un coup de peigne dans ses cheveux ou pour vérifier le noeud de sa cravate mais pour tenter de se voir tel que Suzanne l'avait connu, pour essayer de deviner quel souvenir elle conservait de ses traits. 

Dans la pochette de photos que René-Pierre reprendrait chez le photographe cette semaine, il y aurait aussi quelques portraits de son jeune cousin, en visite avec ses parents. Sans doute seraient-elles floues car l'enfant avait bougé beaucoup mais René-Pierre avait tellement aimé ses mimiques, ses grimaces, qu'il avait voulu en garder une trace. 
En voilà un qui s'amusera quand il aura des enfants, avait prédit son oncle, le voyant accroupi puis redressé ou virevoltant,  l'oeil toujours rivé à son appareil photo.

Et René-Pierre y pensait souvent, au temps où il aurait des enfants.
"J'aurais encore à vous écrire interminablement; est-ce que cela ne vous ennuie pas ? Je me demande parfois s'il est utile que je vous dise tout ce que je vous dis; si nous ne devions plus nous revoir ? Vous rappelez-vous le soir (le samedi, je crois) où nous étions assis dans le petit salon de correspondance, après le dîner ? C'est vraiment là la première fois de ma vie que j'ai réellement compris ce que c'était que "jamais", je me suis rendu compte de ce qu'il représente. 
Il y a un peu plus d'un mois que nous nous connaissons : le 17 juillet était le dimanche; sur mon carnet, j'ai noté en quelques mots mon emploi du temps de ce séjour à Bains, par ailleurs, j'ai aussi transcrit, d'une façon plus détaillée, mes occupations de ce dimanche : elles ont été peu nombreuses; je crois que vous les connaissez. 
Ce que je voudrais, c'est arriver à me replacer maintenant dans l'état où j'étais ce jour-là, croire que vous êtes avec moi et ressentir dans toute sa force l'espèce d'angoisse où j'étais à ce moment; j'y arrive parfois; et vous ? C'est comme cela qu'on peut ne pas oublier. 
La douceur d'aimer, dit-on dans le film, c'est de pardonner; c'est peut-être vrai; c'est une douceur un peu triste, sans doute, que je voudrais ne jamais ressentir avec vous; pourtant ? Si votre lettre, ce matin, m'avait annoncé que tout était fini, que ferais-je maintenant ? Je ne vous en voudrais pas; il me semble que je serais d'une très grande tristesse. Et vous, Suzanne, auriez-vous de la peine ? (Vous voyez, toujours ce besoin d'être rassuré). 
Je vous envoie mes photos : elles sont prises dans ma chambre : sur l'une, on voit surtout ma main que j'ai eu le tort de mettre au 1er plan; sur l'autre, mes cheveux, ce qui n'a rien d'intéressant; sur une 3ème, je souris un peu de travers, comme toujours; sur la 4ème, je me trouve très mal. Laquelle préférez-vous ? 
J'aurais encore à vous parler de beaucoup de choses; de mes lectures, de mon voyage et de moi. 
Ne pouvez-vous vraiment me téléphoner ? J'aimerais autant que vous me préveniez du jour car, avec les vacances, il y a tellement peu de travail au bureau que je n'y reste pas toujours le temps que je vous ai indiqué. 
Je vous quitte, impatient de votre prochaine lettre que je voudrais très longue. 
J'ai un bon disque qui s'appelle : 
"I don't know why I love you like I do". 
René-Pierre."
(Lettre de René-Pierre à Suzanne, le 17 août 1932)  

samedi 13 novembre 2010

Un thé lady grey avec Jacques Henri

"Papa, il ressemble au Bon Dieu, 
Il vient de me dire : 
"je vais te donner un vrai appareil de 
photographie" ! 
Je vais pouvoir tout photographier, 
tout, tout."
Jacques Henri Lartigue. Journal. Pont de l'Arche. 1900
Le jardin nu, une exposition de Dominique Van den Bergh
au centre culturel Jacques Franck du 13/11 au 19/11/10
A travers les yeux de Jacques Henri Lartigue, la vie est vive. 

Dans son journal, il épingle les instants, les visages, les mains aussi 
-de Picasso, de Cocteau : 
aux grands hommes, les belles mains-

"Saoûlé d'air ! de bien-être ! d'amour !... Et je découvre une chose incroyable : le bonheur de tenir en équilibre dans mon assouvissement. Je regarde d'un oeil plein de condescendance, et peut-être de mépris (!!!) le besoin maladif que j'avais de traduire une impression ou d'empailler le bonheur en peignant ou en écrivant."
Jacques Henri Lartigue. Journal. Pont de l'Arche. 1902

vendredi 12 novembre 2010

Les années

Les collections textiles aussi varient.

Sur les photos d'autres gens, d'autres temps -même en noir&blanc- je reconnais les motifs des rideaux, je devine les couleurs, je date les scènes, j'évalue les âges.

une applique sur un mur
le design d'un canapé
la forme d'une assiette
la housse d'un coussin

La décoration -comme la mode- fait office de carbone 14.

Mais, tout comme j'ignore quelle vie mes jeans ont connue avant d'être les miens, je ne sais pas qui -avant moi- a lu mes livres, a mangé dans mes assiettes, s'est assis sur ma chaise.
Je vis hors du temps, dans mon grand appartement.

jeudi 11 novembre 2010

Une enquête sentimentale

Avez-vous déjà suivi quelqu'un dans la rue ?
Vos rêves sont-ils prémonitoires ?
La solitude vous fait-elle souffrir ?
Certaines causes vous font-elles vous engager ? 
Pensez-vous davantage subir que choisir ?
Quand avez-vous été ivre pour la dernière fois ?
Regrettez-vous parfois d'avoir entamé une conversation ?
Combien de fois à la suite êtes-vous capable 
d'écouter une chanson que vous aimez ?
Vous sentez-vous facilement coupable
ou
vulnérable ?
Accordez-vous de l'importance à l'âge
des personnes que vous rencontrez ?
Quelle est la
première
 phrase que vous ayez
prononcée
aujourd'hui ?

mercredi 10 novembre 2010

Précis de topographie 36


... Et puis, parfois, c'est sans quitter mon lit que je révise la topographie de quelques 
paysages 
connus par coeur...
"Il n'y avait donc que cette brise, qui passait de temps à autre, et puis deux distributeurs automatiques de boissons délabrés, installés, ou plutôt abandonnés, côte à côte, dont les aguichantes lentilles clignotaient à droite du bâtiment de la gare, pour vous inviter à boire un thé vert, chaud ou glacé, un chocolat, chaud ou glacé, une soupe d'algues chaude ou un miso glacé, l'une des machines clignotaient en rouge, indiquant le chaud, l'autre, en bleu, signalait le froid, faites votre choix puis appuyez sur le bouton, disaient les touches du distributeur; et puis il y avait cette brise, tiède, douce, veloutée, pour s'assurer que tout serait vraiment impeccablement propre."
Laszlo Krasznahorkai. Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l'ouest par des chemins, à l'est par un cours d'eau
"Avec ses quelques perles d'électricité autour du cou, la place Sainte-Catherine dormait dans la nuit. C'était l'ancien port de Bruxelles. Une fontaine rectangulaire imite un bout de canal. On dirait aussi une dalle funéraire. C'était pour moi la frontière de Bruxelles. Nous nous sommes arrêtés. 
Nous étions quai du Bois-à-Brûler. Cette dénomination prête à sourire; car de fleuve ou de canal, il n'y en avait pas, il n'y en avait plus depuis longtemps et rien n'est plus absurde, en apparence, que de nommer quai deux rues parallèles encadrant une place et une fontaine. Et cette fontaine elle-même est ridicule, qui imite rectangulairement l'ancien canal et qui est asséchée piteusement en hiver. Mais c'est Bruxelles et rien ne rend mieux compte, peut-être, de ce qu'est cette ville : des noms qui tiennent sur plus rien, qui subsistent, hétéroclites et concrets, départis pour jamais de ce qu'ils désignaient, encore bruissant d'une vie désormais absente, menant une existence autonome et absurde. Parce qu'il n'y a plus de canal, ni de port, que l'on n'y décharge plus le bois de chauffage ou les briques."
Vincent Delecroix. Retour à Bruxelles

mardi 9 novembre 2010

Tuesday self portrait ()


,il dit J'embrasse tes lèvres sans parenthèses.

lundi 8 novembre 2010

Le train de 19h33



Il est des rendez-vous qui s'apparentent à un 
Résumé des épisodes précédents
Et quand la suite est aussi peu prévisible, quand on présume autant de passionnants rebondissements, on aimerait qu'il existe une télécommande, une touche 
Avance rapide

dimanche 7 novembre 2010

Un amour débutant (un roman-photo épistolaire) 6

Le disque s'est arrêté mais René-Pierre n'a pas bougé. 
Allongé sur son lit, dans la fin de cet après-midi, il laisse résonner en lui une autre mélodie. Un chant attendrissant, une mélopée douce de peu de mots.
machériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachériemachér
Une chanson comme un collier qu'il aimerait enrouler au cou de Suzanne.

A d'autres moments de la journée, c'est sweetie qu'il murmure et il referme ses bras autour de lui, il serre contre lui, dans une infinie nostalgie, l'absence de Suzanne.
Ma chérie, 
je voudrais vous dire des choses qui me sont passées par la tête; ce n'est peut-être pas très intéressant, et ça ne vaut sans doute pas la peine d'être écrit; mais imaginez que je vous les dis; nous sommes quelque part tranquilles (en Norvège peut-être), et nous parlons de choses et d'autres, sans suite; je suis content d'être près de vous; vous, cela ne vous ennuie pas trop d'être avec moi; alors, je vous dis tout ce que je pense... 
Je pense souvent à notre rencontre, si extraordinaire, et aux liens que le temps cependant si court que nous avons passé ensemble a laissé se créer entre nous. Je suis arrivé à Bains sans souci, avec la seule idée de m'y reposer quelques jours; j'en suis reparti avec une très grande préoccupation : vous, qui avez tout à fait dérangé ma vie, sweetie, et qui êtes si égoïste que vous vous en êtes emparée complètement. 
Ce que j'aime surtout, en vous, c'est votre indulgence, ou plutôt votre compréhension; il est des choses que l'on n'oserait pas dire, de peur de faire sourire; à vous, on les dit; on se décharge de tout ce qui nous tient à coeur, et on a le sentiment très reposant que vous comprenez complètement, exactement. C'est pour cela que j'aime être avec vous. 
Nous n'avons pas toujours beaucoup parlé, ensemble; nous avons rapidement laissé derrière nous ce stade où l'on est obligé de dire des banalités, par politesse et parce qu'on n'a rien d'autre à se dire; très vite, nous nous sommes habitués à rester silencieux, ou tout du moins à ne dire que peu de choses, sachant que ce serait compris par l'autre et que derrière les mots il y avait une entente, une sympathie qui nous unissait très agréablement. Car c'est bien cela, n'est-ce pas, que l'amour, cette entente profonde qui fait qu'un mot, une émotion, procurent chez deux êtres des sensations identiques. C'est là un idéal très bourgeois, sans doute, mais en est-il moins doux pour cela ? 
Je vous embrasse, puisque vous me le permettez. Je vous le permets aussi, vous savez. 
Good bye Suzanne. 
René-Pierre. 
Connaissez-vous la douceur d'aimer ? Je veux parler du film ! Je suis allé le voir hier; j'aime beaucoup Victor Boucher et Renée Devillers, qui jouent très finement. 
(Lettre de René-Pierre à Suzanne, le 16 août 1932)

samedi 6 novembre 2010

Bruxelles, ma belle

Je me souviens de l'injure que les Marolliens employaient lorsqu'ils avaient à faire à une personne particulièrement malhonnête : "Architekt !"
Et s'il s'agissait de quelqu'un de vraiment méprisable : "Rotten architekt !"
C'était en souvenir de l'architecte qui avait construit l'horrible Palais de Justice. 
Abbé Van der Biest. Je me souviens... Bruxelles

vendredi 5 novembre 2010

Personne ne vivra pour moi

Dans l'après-midi, alors que le vent chahute ma jupe et mes cheveux, je longe les vitrines.

Je voudrais être elle, qui réprime un rire derrière sa serviette, elle dont les yeux brillent du vin qu'elle a bu. 
Mais aussi elle, dont le coiffeur rincera bientôt les mèches et laissera poser le soin dont elle aime tant le parfum. 
Et elle qui brandit vers son amie une chemise très décolletée dans le magasin à la bande son nostalgique. 
Elle, également, qui mord dans la pâte feuilletée d'une viennoiserie sans se soucier des miettes qui parsèment ses lèvres et son col. 

Et puis je pousse la porte et le garçon me sourit en me servant mon café. 
C'est moi qui suis derrière la vitre. 
Et, parmi les passants, il y en a sûrement qui, à leur tour, souhaitent
 être moi. 

jeudi 4 novembre 2010

Une enquête sentimentale

Que visitez-vous en premier en arrivant dans une ville que vous ne connaissez pas ?
Y a-t-il un de vos vêtements que vous affectionnez particulièrement ?
Créez-vous volontiers des rituels ?
Savez-vous faire un noeud de cravate ?
Quel adjectif vous qualifie le mieux :
désinvolte,
susceptible,
honnête ?
Comment vous remettez-vous d'une nuit blanche ?
A la question Ça va ?, vous arrive-t-il de répondre Non ?
Qu'est-ce qui vous donne le sentiment d'exister ?
Les dates des événements sportifs vous marquent-elles ?
Soutenez-vous les regards qui vous dévisagent
ou baissez-vous les yeux ?
Vous arrive-t-il de passer un jour sans téléphoner ?
La couleur de vos cheveux a-t-elle changé depuis votre enfance ?
Prenez-vous souvent l'avion ?

mercredi 3 novembre 2010

Précis de topographie 35

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.
J'imagine la fierté de ses parents le jour de son diplôme, leur émotion contenue en la voyant étrenner sa robe, leur inquiétude voilée 
-N'est-elle pas un peu trop pâle ? Crois-tu qu'elle mange suffisamment ? C'est peut-être ce col blanc qui donne cette impression
et leur présence lors de la pose de la plaque sur la façade. 

Depuis que l'heure a changé de saison, le soleil se lève à nouveau au moment où je débouche au bas de l'avenue Louise, où je passe devant le cabinet de l'avocate au prénom de jour naissant. 

mardi 2 novembre 2010

Tuesday self portrait (an ordinary day)

J'ai photographié ce qui n'est pas advenu, ai-je pensé 
en voyant l'oiseau dans le ciel de mon cliché. 

La lettre que j'aurais pu recevoir restée dans un sac postal qui ne prendra le train que le lendemain. 
La voiture qui m'aurait peut-être percutée si elle n'avait pas été ralentie par un feu trop rouge pour que son conducteur l'ignore. 
L'ami qui a changé d'itinéraire deux rues avant de me croiser. 
Le livre que j'aurais aimé lire qui a trouvé acquéreur trois minutes avant mon entrée dans la librairie

Cette image est le parfait portrait de ce jour-là tout entier. 
Car, 
d'un bout à l'autre, 
il ne s'y est absolument rien passé. 


lundi 1 novembre 2010

Ma vie fantôme

J'ai pensé à la jeune fille dont la mère tint secret le nom du père pendant si longtemps et si obstinément que nous avions fini par croire qu'il s'agissait du mort.
Morts, ils le sont peut-être -maintenant- ceux dont on croise le regard sur mes photos passées.
Les figurants anonymes aux cheveux lisses, aux visages masqués. 

J'aimerais pouvoir assembler -un jour- un album des clichés des autres. Là où je ne fais que passer, où je descends un escalier, marche sans y penser, traverse le champ sans le remarquer. 
Un album de ma vie par inadvertance.