lundi 30 mai 2011

La couleur de l'avenir

Ils sont Anglais, ils sont amis. 
Ils boivent des bières -beaucoup- ils boivent du thé -beaucoup- ils fument des joints -beaucoup- ils travaillent -rarement- ils écoutent du jazz -beaucoup- ils mangent des haricots sur des toasts grillés -souvent- ou des pizzas -tout autant- ils marchent sous la pluie -invariablement- ils attrapent des bus -régulièrement- ils parlent de politique -parfois- ils tombent amoureux -pas si souvent- ils répondent à des enquêtes d'opinion par téléphone -ou ce sont eux qui posent les questions- ils font la déco de leur appartement -pitoyablement- ils vivent la fin des années 80 sur le toit de leurs immeubles.
Ils ne sont plus si jeunes que ça. 
Je lis au soleil du vingt-et-unième siècle, la fenêtre est ouverte sur les chants d'oiseaux, les babillages du bébé voisin, le vent dans les arbres, les sirènes de la ville.  

"-Mon cul. 
-Ecoute, je vais te dire où se situe ma conscience politique : je ne mange jamais chez McDonald, je ne ne joue jamais à des jeux électroniques, je n'ai pas vu cinq minutes de feuilleton à la télé, ni aucune des autres merdes qu'ils diffusent. J'essaie de ne pas écouter de pop music, je n'écoute jamais Radio 1; je ne lis pas les pages culturelles des journaux du dimanche. Je n'achète pas de produits sud-africains, je ne possède pas de voiture et, en règle générale, je ne dépense rien pour le genre de saloperies dont les boutiques sont pleines. Je ne cherche pas à avoir un vrai travail et je m'en fiche de ne jamais avoir de maison à moi -quand les gens parlent du prix de l'immobilier, je n'écoute pas. Je ne connais pas de banquier ni personne qui travaille dans la pub- je n'ai même mis les pieds qu'une seule fois dans la City. Si quelqu'un lit un canard à scandale, j'essaie de m'arranger pour ne pas le voir. Compris ? Maintenant, on en arrive aux choses vraiment importantes : je passe pas mal de temps à peindre et à réfléchir sur l'art. En d'autres termes, j'essaie de ne pas devenir aveugle. Je ne lis pas de bouquin de merde et je ne vais jamais voir des films de merde. Je pratique autant de sports amusants que je peux et j'écoute Coltrane, Sonny Rollins, Lester Bowie, Beethoven et Chostakovitch -en d'autres termes, j'essaie de ne pas me laisser devenir sourd. Tu saisis le tableau ? Je suis engagé dans l'une des batailles politiques les plus importantes de notre temps."
Geoff Dyer. La couleur du souvenir. 

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