jeudi 28 juillet 2011

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Plus que le paysage, c'est la langue qui me fait me sentir ailleurs. 
Ainsi, paradoxalement, 
le dernier voyage en France  était un vrai dépaysement
:
Depuis que j'habite en terre cosmopolite, 
il m'est devenu si exotique 
d'entendre parler exclusivement français. 
"Puis quelqu'un vient : une jeune fille chinoise- qui se met à chanter, et tout ce que je pouvais attendre se met à exister là, pleinement et brièvement : je ne suis ni à Paris, ni en Hollande, ni en Chine, mais dans un voyage qui ne peut se poser en aucun de ces points, cela dure un peu, puis retombe, naturellement, ça s'effondre tout seul, sans bruit, sans effets, comme c'était venu. Une rêverie -je ne sais pas, il me semble qu'un nom, que ce nom est déjà de trop, qu'il s'agit d'encore moins que cela : scène de roman non plus d'ailleurs. Photographie peut-être, mais que nul n'a prise et que les mots ne peuvent pas prendre, ce n'est pas leur genre, mais je me souviens : le livre que j'écris a pour sujet la France, que vient faire dès lors cette épiphanie de quelques secondes dans le hall désert de la Maison des Pays-Bas de la Cité universitaire de Paris, avec son climat et ses poissons rouges ?
Elle vient dire, il me semble, que ce qui rend un pays vivable, quel qu'il soit, c'est la possibilité qu'il laisse à la pensée de le quitter. L'identité définie comme le modelé d'une infinité de départs possibles -peut-être serait-ce cela le socle le plus résistant de la provenance ?"
Jean-Christophe Bailly. Le dépaysement, voyages en France

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