dimanche 29 janvier 2012

La vie voyageuse (en Yamanote)

 La ligne Yamanote (山手線) est une ligne ferroviaire circulaire qui délimite officieusement le centre de Tokyo. Elle comporte 29 stations et le temps de parcours total est d'environ une heure. Ses trains sont de couleur acier avec des bandes vertes. Chaque jour, une moyenne de 3,55 millions de passagers empruntent la ligne Yamanote. Les trains circulent de 4h30 du matin à 1h20 avec une cadence d'un train toutes les deux minutes aux heures de pointes. Une boucle complète nécessite entre 58 et 59 minutes.

HAMAMATSUCHÔ
Il lui arrive de retrouver, glissées entre les pages de ses livres, une photo du chat gris, une carte à l'écriture aimée, la feuille d'un arbre. Des traces de son passé qui la rendent fragile. 

Ils sont debout et serrés. Tous, ils ont un livre à la main. Elle sort également le sien, se joint à cette communauté improvisée. 

Que lisent-ils ? Anaïs Nin ? Nabokov ? Taichi Yamada ?
Ensemble dans ce train, ils sont tous dans un monde différent.

Le facteur est ponctuel, il passe à l'heure du thé. A la nuit tombée, elle glisse sa lettre dans son sac puis en déchire l'enveloppe dans le wagon peuplé. En toute intimité. 

A chaque arrêt, les portes s'ouvrent et charrient la chaleur et les cigales de l'été. La climatisation est bienfaisante. Le reste de sa journée peut attendre : à Hamamatsuchô, elle décide de ne pas encore descendre, de poursuivre sa lecture. 

Les conversations avoisinantes, la voix mécanique qui souhaite la bienvenue et annonce la gare suivante... Rien ne la distrait de son livre qui, seul, parle sa langue. 

Elle regarde avec envie son voisin dont le sac volumineux porte le nom d'une librairie de neuf étages. 

Elle hésite parfois : dorment-ils ? Lisent-ils ? 
Quand le sens de leur lecture est vertical, le mouvement de leurs yeux ne permet pas le doute. 

Les publicités tapissent les parois en plus de défiler sur l'écran de télévision au-dessus de la porte du wagon. Autant d'images qui ne la touchent pas, autant de mots qu'elle ne comprend pas. Elle voyage en analphabète. 

Le recueil de mangas déposé sur le porte-bagages est à disposition des voyageurs. Ecorné, abîmé, on ne peut dénombrer ses lecteurs. 

Souvent, ce sont des femmes. Elles sont plongées dans les pages d'une partition comme dans celles d'un roman passionnant. Elle pense Encore une langue que j'ignore

L'action se situe à Ikebukuro en hiver. Le narrateur rend grâce aux filles qui, malgré le froid, ne portent pas de collants sous leurs mini-jupes. 
A la hauteur des yeux qu'elle lève : des cuisses nues. 
Son train est en direction d'Ikebukuro. 
Elle a souvent l'impression de vivre dans une fiction.

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