dimanche 20 janvier 2013

Provoquée par la pendaison des vêtements rapportés essorés puis refroidis par leur passage en machine mais aussi par la rue (1) la buée perla presque aussitôt sur la vitre près de laquelle j'accrochai les cintres et persista après que je les en eus retirés au point que la lumière du jour pénétrait moins largement dans la pièce et que je pensai On dirait un rideau d'eau.

(1) peut-être serait-il intéressant d'établir une grille tarifaire du temps. 
27 minutes coûtent 3,50€ au lavoir et 27€ chez le coiffeur. (2)

(2) et de cela je m'étais aperçue le jour où, regardant ma montre en sortant de mon rendez-vous, j'avais constaté que les deux chiffres -celui du temps passé, celui du prix payé- coïncidaient comme de vrais jumeaux. (3)

(3) ne serait-ce pas la lecture de L'autre comme moi (4) de José Saramago qui fait advenir cette comparaison dans mon esprit, aurais-je pensé à la gémellité si je n'avais pas été en train de lire une histoire de double ? 

(4) "d'habitude les dimanches sont des jours tristes, ennuyeux, mais il en certains dont on se réjouit qu'ils existent"(5)

(5) ces mots ne sont pas ceux qui m'ont fait corner la page 120, d'autres m'ont décidée à le faire, auxquels peut-être, au moment de les recopier dans le cahier qui leur est dévolu, je ne trouverai plus le même charme que pendant ma lecture et qui resteront à la page à laquelle je redonnerai sa forme initiale (6) avant de rendre le livre à la bibliothèque

(6) malgré tout, il reste souvent une empreinte (7) de nos lectures : et quand j'ouvre une page dont une ancienne pliure qui n'est pas de mon fait apparait comme une trace aussi lisible que les mots, je ne peux m'empêcher de lire en cherchant ce qui a pu retenir l'attention d'un précédent lecteur tout en sachant qu'il s'agissait peut-être seulement d'un moyen utilisé non pour marquer une page sur laquelle revenir ultérieurement mais celle où reprendre une lecture momentanément interrompue

(7) "Je regardais les visages, les saignées des bras, les expressions, je regardais les poches se remplir de mots, de conversations, d'attente, de pensées, de rêveries. 
Pour celle qui lisait Au phare, c'était la première fois, un premier don. Je lui ai souri en lui demandant de fermer le poing. (...)
Je l'ai revue à ma pause devant sa petite collation, elle ne lisait plus, elle était pâle, elle m'a souri. Elle m'a raconté qu'il lui arrivait de lire aussi entre les pages et dans les pages en même temps, parce que les livres, c'est comme le sang, ils sont marqués. Pas génétiquement, non, mais ils ont des marqueurs aussi, pas des marque-pages, si, des marque-pages qui sont des marques des gens. Elle se demandait si en donnant son sang elle donnait un peu de ses lectures, puisqu'en empruntant des livres il lui arrivait de trouver des taches de sang sur les pages. Pas seulement de sang d'ailleurs, de chocolat, et des cheveux, de la colle pailletée. Les livres de la bibliothèque étaient pleins de traces, même ici, encore plus ici, avec tous ces voyages en bibliobus, quand les livres traversent tout le département."
 Emmanuelle Pagano. Un renard à mains nues (8)

(8) ce livre, quant à lui, je m'étais attablée pour le lire (9), préférant cela à l'acheter et l'emporter chez moi d'où j'étais arrivée peu avant, précisément les bras chargés des livres que je venais vendre

(9) je l'ai, pour ainsi dire, consommé sur place en même temps que quelques fruits secs que j'avais emportés en prévision du moment que, m'étais-je dit avant de partir, j'aurais peut-être envie de passer installée à une table (10)

(10) nullement prévus, en revanche, avaient été son sourire et les mots qu'il m'avait adressés en s'installant à la table voisine, qui prouvaient que je ne lui étais pas inconnue et qui auraient pu être les premiers de la conversation que j'avais, pourtant, tellement envie d'avoir avec lui, si j'y avais répondu moins banalement

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